L’une des raisons qui m'ont incité à devenir pharmacien est la constante évolution de cette profession. Les connaissances médicales et pharmaceutiques progressent sans cesse, et la possibilité de continuellement apprendre est une source de motivation majeure dans mon travail. Que ce soit par l’arrivée de médicaments innovants, la publication d'études apportant de nouvelles données sur l'efficacité ou la sécurité des traitements, ou encore la mise à jour de lignes directrices entourant la pratique de la pharmacie, les occasions d'apprentissage offertes aux pharmaciennes et pharmaciens sont innombrables.
Cependant, même les plus enthousiastes d’entre nous ne parviendraient pas à lire l’intégralité de la littérature en lien avec la pharmacothérapie, en raison du nombre et du rythme des publications. De plus, l’élargissement continu de nos responsabilités nous appelle à jongler avec de plus en plus de tâches cliniques et administratives. Le manque de temps peut alors devenir un obstacle supplémentaire à la consultation de nouvelle documentation.
Chez Vigilance Santé, une partie importante de nos journées est consacrée à la veille informationnelle et à la lecture d’articles variés.
J’ai donc pensé qu’il serait intéressant de vous partager des publications sur cinq sujets qui ont particulièrement retenu mon attention dans les derniers mois.
En pharmacie, nous sommes régulièrement amenés à conseiller nos patientes sur les différentes méthodes contraceptives. Il peut toutefois paraitre complexe de naviguer parmi les diverses précautions que requièrent les produits hormonaux. Récemment, le Center of Disease Control (CDC) américain a publié la mise à jour 2024 de leurs recommandations sur les critères d’éligibilité médicale pour l’utilisation de contraceptif (U.S. MEC, de l’anglais U.S. Medical Eligibility Criteria for Contraceptive Use).
Dans ce document exhaustif, le CDC catégorise le rapport entre les bénéfices et les risques associés à la prise des différentes méthodes de contraception en présence de plusieurs conditions médicales. Ce rapport risque-bénéfice est représenté de la façon suivante :
1. Aucune restriction (la méthode peut être utilisée)
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2. Les avantages l'emportent généralement sur les risques théoriques ou prouvés
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3. Les risques théoriques ou prouvés l'emportent généralement sur les avantages
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4. Risque inacceptable pour la santé (méthode à ne pas utiliser)
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Parmi les nouveautés de cette mise à jour, on retrouve notamment l’ajout de nouvelles méthodes contraceptives (p. ex. nouvelle formulation de contraceptif à progestatif seul) et de recommandations chez les personnes présentant une insuffisance rénale chronique. Les recommandations pour plusieurs conditions ont également été révisées, dont celles concernant la contraception en post-partum, en post-avortement, en obésité, lors de chirurgie ainsi qu’en présence d’antécédents ou d’épisode actif de thrombose, pour ne nommer que celles-ci.
Un tableau résumé compilant plus d’une soixantaine de conditions médicales est également disponible et peut être fort utile à garder à portée de main pour une consultation rapide dans le feu de l’action.
Publiée dans l’édition de septembre 2024 du Canadian Journal of Psychiatry, mais déjà en ligne depuis quelques mois, la mise à jour 2023 des lignes directrices cliniques du Réseau canadien pour les traitements de l'humeur et de l'anxiété (CANMAT) sur la prise en charge du trouble dépressif majeur chez les adultes introduit plusieurs nouveautés par rapport à la version de 2016.
Ces lignes directrices, basées sur une revue de la littérature axée sur les méta-analyses et revues systématiques publiées entre le 1er janvier 2015 et le 31 mai 2023, sont présentées sous forme de questions-réponses autour de huit thématiques :
Parmi les nouveautés de ces lignes directrices, on retrouve notamment l’ajout de recommandations en lien avec les interventions en santé numérique (DHIs pour Digital Health Interventions). En raison de leur accessibilité, les technologies de la santé, dont les applications mobiles, sont de plus en plus utilisées par les patientes et patients. Le groupe d’experts du CANMAT propose donc plusieurs éléments à considérer lors de l’évaluation de ces technologies afin d’en assurer une utilisation optimale.
Les stratégies suggérées en cas de non-réponse au traitement ont également été revues. Notons plus particulièrement les recommandations liées à la substitution de traitement et les thérapies adjuvantes, qui ont été actualisées en fonction des données les plus récentes.
Pour les amateurs de baladodiffusions, un entretien avec le Dr Raymond Lam, co-premier auteur des lignes directrices de 2023 et président exécutif de CANMAT, a été réalisé par le Dr David Gratzer dans le cadre du balado Quick Takes : A podcast by physicians, for physicians. Ce balado peut être consulté sur le web ainsi que sur certaines plateformes numériques (p. ex. Apple Podcast).
Cette référence n’est pas une ligne directrice, mais plutôt une ressource sur les médicaments présentant un certain risque d'allongement de l'intervalle QT ou de torsades de pointe. À mon avis, elle mérite d’être mieux connu des pharmacien·ne·s.
Basée sur des analyses systématiques d’un comité d’experts, la QT Drug List est disponible via la plateforme CredibleMeds de l’AZCERT. Chaque médicament ciblé se voit attribuer une catégorie de risque selon qu’il s’agit d’un risque connu, possible ou conditionnel de torsade de pointes. Notez que cette référence est fréquemment mise à jour; au moment d’écrire ces lignes, la plus récente datait du 8 août 2024.
Parmi les autres ressources disponibles sur la plateforme CredibleMeds, mentionnons une liste des médicaments à éviter chez les personnes atteintes de syndrome du QT long congénital, ainsi qu’une section sur les facteurs cliniques associés à un intervalle QTc prolongé ou à des torsades de pointes. L’accès à ces documents requiert un abonnement en ligne (gratuit).
Vigilance Santé est fière de compter sur un partenariat avec l’AZCERT et son équipe d’expert·e·s pour outiller les utilisateurs et utilisatrices dans l’exercice de leur profession. En effet, les données de RxVigilance en lien avec la prolongation de l’intervalle QT et des torsades de pointes proviennent de cet organisme.
Comme la Société canadienne de cardiologie émet fréquemment des lignes directrices sur des sujets variés en lien avec la santé cardiovasculaire, il m’a été difficile de faire un choix unique pour le présent article. À titre d’exemple, des lignes directrices concernant le traitement antiplaquettaire et la cardiomyopathie hypertrophique ont été publiées en 2024, et regorgent d’informations pertinentes à la pratique de la pharmacie.
Toutefois, j’ai sélectionné la mise à jour de pratique clinique élaborée conjointement par la Société canadienne de cardiologie (SCC) et le Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes (CCSCF) concernant l’infarctus du myocarde sans obstruction des artères coronaires (MINOCA, de l’anglais Myocardial Infarction with No Obstructive Coronary Artery disease). Ce sujet m’a particulièrement interpellé, car il s’agit d’une condition encore peu connue de bon nombre de professionnel·le·s de la santé, mais qui représenterait tout de même de 6 à 15 % des syndromes coronariens aigus.
Le MINOCA touche majoritairement les femmes, et est défini par un infarctus du myocarde sans sténose coronarienne significative (c'est-à-dire > 50 % à l'angiographie coronarienne). Les causes non ischémiques d'atteinte myocardique (p. ex. myocardite, Takotsubo) doivent être écartées lors de l’évaluation diagnostique du MINOCA.
Les causes du MINOCA sont diverses. Environ deux tiers des cas seraient de nature athérosclérotique (p. ex. rupture ou érosion de plaques). Un vasospasme coronarien épicardique, une thromboembolie, une dissection spontanée de l'artère coronaire (SCAD) et une dysfonction microvasculaire coronaire (CMD) peuvent également être à l’origine du MINOCA, et représentent des causes d’origine non athérosclérotique.
Le guide de pratique de la SCC/CCSCF aborde également la prise en charge pharmacologique du MINOCA. Comme plusieurs conditions peuvent être à l’origine du MINOCA, les traitements doivent être adaptés à la cause sous-jacente.
Vous trouverez les détails de cette mise à jour de pratique clinique, ainsi que plusieurs autres guides pertinents dans la collection des lignes directrices et des mises à jour de pratique clinique de la Société canadienne de cardiologie.
Même si elle date d’octobre 2023, je propose de consulter l’actualisation des lignes directrices de pratique clinique pour la prise en charge de l’ostéoporose et la prévention des fractures au Canada, laquelle présente quelques modifications depuis les lignes directrices de 2010.
Parmi les précisions apportées dans les lignes directrices 2023, on retrouve entre autres des recommandations en matière d'activité physique, d’alimentation, d’évaluation du risque de fracture et d’interventions pharmacologiques. En voici quelques exemples.
Âge | Calcium | Vitamine D |
51 à 70 ans | 1000 mg/jour (homme) 1200 mg/jour (femme) |
600 UI/jour |
70 ans et plus | 1200 mg/jour | 800 UI/jour |
Dans le contexte du vieillissement de la population canadienne, cette mise à jour offre, à mon avis, des outils supplémentaires aux professionnel·le·s de la santé qui souhaitent contribuer à améliorer la santé osseuse des personnes sous leurs soins.
Dans cet article, mon but n’était pas de dresser un inventaire complet des récentes mises à jour, mais plutôt de vous proposer une sélection de suggestions qui pourraient enrichir votre pratique.
Bien sûr, il ne s’agit là que d’un échantillon des nombreuses ressources publiées ou revues ces derniers mois. J’espère que certaines d'entre elles auront éveillé votre curiosité, vous incitant à les explorer plus en profondeur, que ce soit dans un moment de calme entre deux consultations (si ces moments existent encore !) ou lors d’une journée pluvieuse de repos.
En attendant, soyez assuré que notre équipe continue de scruter un large éventail de ressources pour vous offrir des outils de qualité, conçus pour vous accompagner au quotidien.