Blogue | Vigilance Santé

Le vaccin en pharmacie : bien plus qu’une piqûre

Rédigé par Angela Sheung Wai Chan, Pharm.D. | 15 sept. 2025 13:24:59

Un matin à la pharmacie, ma patiente de 72 ans, Mme Gagnon, me consulte pour un ajustement de son insuline. Au fil de notre conversation, je constate qu’elle n’a pas reçu le vaccin contre le zona. De plus, elle a reçu un traitement contre le zona il y a deux ans. Je lui propose alors le vaccin sous-unitaire contre le zona (VRZ), dont les frais ne sont pas remboursés dans son cas. Plusieurs questions lui viennent en tête : « Si j’ai déjà eu le zona, ne serais-je pas déjà immunisée? Si c’était si important, pourquoi le gouvernement ne le rembourse pas? J’aurai 75 ans dans trois ans, pourrais-je attendre pour que ce soit couvert? »

Je lui présente ensuite les avantages et les limites du vaccin, afin qu’elle puisse faire un choix éclairé.

Ce cas illustre parfaitement un défi que mes collègues et moi rencontrons depuis que nous offrons des services de vaccination au Canada : celui de trouver le juste équilibre entre les recommandations scientifiques, les couvertures offertes et les réalités de chaque patient·e.

Dans cet article, je partage quelques réflexions issues de mon expérience, ainsi que des informations pratiques et des suggestions d’outils pour soutenir nos décisions. On se lance!

Des avantages sur tous les plans

Les avantages de la vaccination en pharmacie sont nombreux et touchent plusieurs parties prenantes.

  • Pour la pharmacie : source additionnelle de revenus, différenciation, fidélisation de la clientèle et valorisation de l’expertise du personnel. Elle contribue à positionner la pharmacie comme une véritable destination de soins de santé.
  • Pour les pharmacien·ne·s : consolidation du rôle de première ligne, élargissement des compétences cliniques, plus grande satisfaction professionnelle et renforcement de la relation de confiance avec les patients.
  • Pour les patient·e·s : accessibilité accrue grâce au vaste réseau et aux horaires étendus, le tout dans un environnement familier et rassurant.
  • Pour le système de santé : augmentation de la capacité de vaccination, libération des ressources médicales pour des soins plus complexes, et réduction des maladies évitables.
  • Pour la société : meilleure couverture vaccinale, renforcement de l’immunité collective, réduction de l’absentéisme et population plus résiliente face aux épidémies.

Mon point de vue de pharmacienne au Québec

En tant que pharmacienne, j’ai été confrontée à une variété de défis lorsque j’ai commencé à vacciner au Québec. Cela m’a demandé de me familiariser avec divers aspects de cette pratique. Je vous partage mes réflexions personnelles à leur sujet.

Gérer l'hésitation vaccinale

En tant que ressource de première ligne, il est essentiel de répondre aux préoccupations et incertitudes liées à la vaccination en vulgarisant les données scientifiques. Cela suppose d’être à la fois clinicien, pédagogue et accompagnateur, capable de traduire la science en conseils concrets et rassurants.

Se retrouver dans l’information

En tant que pharmacienne, l’un des premiers défis auquel j’ai été confrontée lorsque j’ai commencé à vacciner au Québec a été de me retrouver parmi les nombreuses références. Malgré la formation obligatoire au PIQ (Protocole d’immunisation du Québec), j’ai mis un certain temps à me familiariser avec sa présentation et à le parcourir avec aisance.

Le PIQ est un document solide et bien structuré, riche en renseignements cliniques fiables, mais il m’est déjà arrivé, en pleine journée de vaccination, de chercher une information précise dont je savais qu’elle s’y trouvait… sans réussir à remettre la main dessus sur le moment.

Bâtir sa confiance clinique

Souvent, je connaissais la réponse, mais j’aurais aimé la confirmer rapidement, noir sur blanc. Bâtir sa confiance clinique exige de l’expérience et une grande familiarité avec les ressources.

Se familiariser avec les ressources à notre disposition

Chaque province possède son propre manuel d’immunisation. Au Québec, c’est le Protocole d’immunisation du Québec (PIQ), qui encadre la pratique et la gratuité.

Je vous fais part des références qui me guident dans mon cheminement décisionnel.

  1. D’abord, le guide provincial (p. ex. PIQ au Québec, BC Immunization Manual en Colombie-Britannique) : il est votre première référence pour connaître la couverture et les modalités opérationnelles.
  2. Ensuite, le Guide canadien d’immunisation : il est idéal pour obtenir des précisions additionnelles ou lorsque vous cherchez des réponses sur un point clinique stable (comme la posologie, les contre-indications ou la co-administration).
  3. Enfin, les avis de comités d’experts (p. ex. CCNI, CIQ, CCOI) : ils sont précieux pour rester à jour sur l’évidence scientifique et les recommandations émergentes.

Ensemble, ces outils forment une boîte à ressources incontournable. Notez que les ressources 2 et 3 complètent le manuel provincial, mais ne le remplacent pas.

Parenthèse clinique : entre programme d’immunisation et choix individuel

La question de Mme Gagnon est un bon rappel : les programmes d’immunisations financent certains vaccins pour des raisons populationnelles (impact, faisabilité, coût-efficacité). Mais pour une personne en particulier, la meilleure option peut différer selon son âge, ses comorbidités ou même ses préférences.

Exemple de la vaccination contre le zona au Québec. En date de la rédaction de cet article, le Programme québécois d'immunisation finance la vaccination contre le zona chez les personnes immunocompétentes de 75 ans et plus et les adultes de tout âge atteints d’une condition menant à une immunosuppression. Or, de son côté, le CCNI recommande fortement que le vaccin recombinant contre le zona soit offert à tous les adultes immunocompétents âgés de 50 ans et plus.

Il faut comprendre qu’un vaccin doit passer par plusieurs étapes entre sa commercialisation et son inclusion dans un programme provincial. Il est donc possible qu’un vaccin soit recommandé par des comités d’experts, mais pas immédiatement financé par un programme public.

Ce décalage souligne l’importance de rester au fait de ce qui se passe hors programme provincial pour bien informer les personnes sous nos soins et les aider à prendre des décisions éclairées.

Mes références « chouchous »

Mes essentiels du PIQ en tant que pharmacienne québécoise

Mes incontournables du Guide canadien d’immunisation

Opportunités d’interventions : un module de soutien clinique

Avec l’afflux constant de nouveautés, les changements fréquents aux calendriers d’immunisation et la pression du quotidien au comptoir, il est facile de laisser filer des occasions de vacciner en pharmacie.

C’est là qu’un outil comme le module optionnel « Opportunités d’interventions » de RxVigilance (en version intégrée) devient précieux. Sa section sur la vaccination est conçue pour aider l’équipe en pharmacie à repérer rapidement les besoins vaccinaux et à offrir des services qui y répondent.

Plutôt que de remplacer le jugement clinique, l’outil offre un soutien pratique : il met en évidence les personnes à risque selon les recommandations en vigueur, et propose des repères concrets pour alimenter la discussion. Les suggestions sont adaptées à chaque province, en fonction de son calendrier et de son cadre législatif.

Et Mme Gagnon?

Eh bien, son histoire souligne qu’en matière de vaccination, il existe un espace où le rôle des pharmacien·ne·s est essentiel.

La vaccination ne se résume pas à l’administration d’une piqûre. Chacun d’entre nous peut accompagner ses patient·e·s dans leurs choix vaccinaux et leur offrir un parcours complet en les informant, les éduquant, les conseillant et les rassurant.

C’est là que notre expertise de pharmacienne ou de pharmacien prend tout son sens, et c’est désormais une partie intégrante de notre pratique.

Bonne lecture!

👉 Pour en savoir davantage sur le module Opportunités d’intervention, téléchargez notre document complémentaire en remplissant le formulaire.