Les cascades médicamenteuses représentent un réel défi auquel, comme professionnel·le de la santé, vous risquez d’être confronté quotidiennement. Nul doute que vous connaissez déjà le scénario.
Nous voilà pris dans un engrenage dont il peut être difficile de se sortir!
C’est une situation qui peut entraîner des conséquences fâcheuses allant jusqu’à l’hospitalisation, surtout chez les patient·e·s les plus vulnérables. Heureusement, les pharmacien·ne·s peuvent jouer un rôle crucial dans l’optimisation de la thérapie de leurs patient·e·s en sachant détecter, résoudre et idéalement prévenir les cascades médicamenteuses.
Voyons ensemble comment éviter de tomber dans le piège!
Une cascade médicamenteuse survient lorsqu’on interprète faussement l’effet indésirable d’un médicament comme étant révélateur d’une nouvelle pathologie, pour laquelle on ajoutera une thérapie médicamenteuse additionnelle.
Ce deuxième médicament a le potentiel d’amplifier la réaction indésirable provoquée par le premier médicament, ou d’entraîner des effets néfastes supplémentaires qui lui sont propres.
On risque alors de s’enliser dans un cycle consistant à ajouter des médicaments pour enrayer de nouveaux effets indésirables, alors qu’il aurait fallu d'emblée remettre en question le traitement initial.
En voici un exemple.
Anticholinergiques et confusion chez les personnes âgées. La confusion causée par une charge anticholinergique importante risque d’être mal interprétée comme un symptôme d'un trouble neurocognitif. Cela mènera alors à la prescription d’un inhibiteur de la cholinestérase ou même d'un antipsychotique.
Antidépresseurs et insomnie. Certains antidépresseurs peuvent perturber le sommeil, ce qu’on peut interpréter comme un soulagement insuffisant de la dépression. On augmentera donc la dose d'antidépresseur ou on ajoutera une prescription de somnifères.
Bloqueurs de canaux calciques et œdème. Ces antihypertenseurs peuvent causer un œdème des membres inférieurs, qu’on sera tenté de contrôler en ajoutant un diurétique.
IECA et toux. Jusqu’au tiers des patient·e·s qui prennent un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine développeront une toux sèche persistante. Ces personnes seront peut-être tentées d’utiliser un sirop antitussif de façon régulière, alors que la solution serait de changer d’agent antihypertenseur.
Diurétiques thiazidiques et goutte. Parce qu’ils augmentent les taux sanguins d’acide urique, ces diurétiques peuvent provoquer une crise de goutte. Cela mènera possiblement à l’ajout d’un traitement antigoutteux, voire d’une éventuelle prophylaxie.
AINS et hypertension. L’usage prolongé d’un anti-inflammatoire non stéroïdien fait augmenter la tension artérielle; on tendra donc à augmenter la dose de l’antihypertenseur actuel ou à en ajouter un autre.
Prégabaline, gabapentine et œdème. Ces anticonvulsivants souvent employés en douleur neuropathique causent de l’œdème périphérique. Pour le contrer, un diurétique sera ajouté, alors qu’il aurait fallu diminuer la dose ou changer de molécule.
Une cascade médicamenteuse peut être relativement simple à identifier et à résoudre pour un·e pharmacien·ne vigilant·e. Par exemple, un bisphosphonate entraîne une dyspepsie, pour laquelle on prescrit un IPP. Un antihypertenseur entraîne des étourdissements, donc on initie la bétahistine.
Mais ajoutons maintenant un niveau de difficulté : une benzodiazépine entraîne des troubles de mémoire. Une visite chez le médecin aboutira à une évaluation cognitive, à la suite de laquelle on prescrira un inhibiteur de la cholinestérase. Ce dernier provoque des nausées et de l’incontinence urinaire, pour lesquelles on va prescrire du dimenhydrinate et de la fésotérodine. Quelques semaines plus tard, la personne est hospitalisée en raison de chutes à répétition et de confusion.
Ouf, comment peut-on éviter d’en arriver là?
Plus le temps passe et plus les interventions s’accumulent, plus il devient ardu de savoir si un médicament visait véritablement à traiter un problème médical ou s’il avait été prescrit pour contrer des effets indésirables.
Vous pouvez vous simplifier la tâche et améliorer la qualité de vie des personnes sous vos soins en connaissant bien leurs antécédents médicamenteux, en les questionnant régulièrement et en tenant compte de la chronologie des changements de médication et de l’apparition de leurs symptômes.
Vous savez bien qu’il est plus facile de prévenir que de guérir. Voici quelques trucs pour vous aider à prévenir et éviter de tomber dans le piège des cascades médicamenteuses.
Les cascades médicamenteuses peuvent passer inaperçues au quotidien et entraîner des effets indésirables potentiellement graves, menant même jusqu’à des hospitalisations. Elles contribuent au phénomène de polypharmacie en augmentant la consommation inappropriée de certains médicaments, ce qui a un coût tant pour les patient·e·s que pour la société.
En tant que pharmacien·ne·s, nous avons un rôle crucial à jouer pour les détecter et pour les gérer. En reconnaissant les schémas courants, en analysant attentivement le profil médicamenteux et en posant les bonnes questions, nous pouvons réduire leur occurrence et conséquemment, améliorer la qualité des soins que nous offrons.
Êtes-vous prêt·e·s à relever le défi?