Allaitement et manque de lait : six conseils pour votre patientèle

2024-04-15
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Annik Beauclair, B.Pharm.
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5 minutes

Il vous est certainement arrivé en pharmacie de devoir servir un médicament utilisé comme galactogogue à une personne qui allaite. Vous vous êtes alors probablement posé plusieurs questions.

  • Qu’est-ce qui pourrait expliquer l’insuffisance lactée?
  • Quels conseils puis-je donner, outre ceux en lien avec le médicament?
  • Y a-t-il des choses à éviter ou des trucs facilitateurs que je peux proposer?

Au-delà du médicament : soutenir l’allaitement

En tant que professionnel·le·s de la santé, nous savons que l'allaitement profite à la fois à l'enfant et à la personne qui l’allaite.

Par ailleurs, il est important de souligner que même si l’allaitement n’est pas exclusif, que ce soit par manque de lait ou pour toutes autres raisons, les bénéfices sont présents; ils sont proportionnels à la quantité de lait reçu et à la durée de l'allaitement.

Le manque de lait, perçu ou réel, étant souvent rapporté comme l’une des causes de l'arrêt de l'allaitement, il est d'autant plus essentiel d’être proactif lorsqu'une embûche se pointe. 

Manque de lait réel ou perçu?

Dans une situation comme celle mentionnée ci-haut, il conviendrait d’abord de vous assurer que le manque de production lactée est bien réel.

En effet, il peut arriver que l'on sous-estime la quantité produite en se fiant à des indicateurs qui portent à confusion. Par exemple, la quantité exprimée avec un tire-lait n'est pas un indicateur fiable. La souplesse ou la plénitude des seins non plus. Souvent, la production de lait est adéquate, mais le transfert de lait ne se fait pas bien entre le sein et le bébé.

Pour vous soutenir dans cette démarche, vous pourriez vérifier si une ressource compétente a été consultée, par exemple un·e professionnel·le en allaitement (p. ex. IBCLC). Si ce n’est pas le cas, il est suggéré que vous dirigiez la personne qui allaite vers le soutien adéquat.

Du colostrum au lait mature

Les causes pouvant mener à un manque de lait sont différentes selon le moment après l'accouchement où il survient. En étudiant la physiologie de l'allaitement, on peut comprendre l'origine de certains problèmes, et trouver la manière de les surmonter.

Avant la grossesse

  • La glande mammaire se prépare à l'éventualité de devoir produire du lait.
  • Un traumatisme qui surviendrait à ce moment au niveau de la poitrine ou un développement qui serait insuffisant durant la puberté à cause d’un problème hormonal, pourraient expliquer une production insuffisante en post-partum.

Durant la grossesse

  • La glande se développe et il y a production de colostrum.
  • C'est la phase de lactogénèse 1. Le colostrum, ce premier lait, servira à nourrir le nouveau-né dès sa naissance.

📷 Une image vaut mille mots
Dans les documents "10 conseils pour réussir l'allaitement maternel" du Gouvernement du Canada et le document "Aide-mémoire pour les mères qui allaitent" du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, on représente la grosseur de l'estomac d'un nouveau-né par la taille d'une cerise lors des deux premiers jours de vie. Alors il est normal que la faible quantité de colostrum produite soit suffisante pour nourrir le bébé convenablement les premiers jours.

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Lors de l'accouchement

  • La diminution abrupte de progestérone et d'autres hormones inhibitrices déclenchera la lactogenèse 2, signalée par la montée laiteuse.
  • Cette dernière se produira, que l'allaitement soit souhaité ou non. La glande mammaire se met alors à la production abondante de lait. Certains éléments peuvent retarder ou nuire au déclenchement de cette étape de la lactogénèse, par exemple un accouchement par césarienne, une rétention placentaire, ou un diabète de type 1.
  • Notons que jusqu’ici, la production de lait obéissait à un contrôle hormonal endocrinien.

Après l’accouchement

  • À partir de cette étape, la production de lait s'ajustera à la demande.
  • Plus la quantité de lait qui sort du sein sera importante, plus il en produira. Le sein n'est jamais vide. Le maintien d'une production de lait optimale exige donc une stimulation et une extraction de lait efficaces.
  • Cette phase, la lactogènese 3, est régulée à la fois par un contrôle hormonal endocrinien et un contrôle autocrine. En effet, une protéine du lait, appelée facteur inhibiteur de la lactation (FIL) produit un effet inhibiteur sur la cellule lactogène. Si le lait reste dans le sein, cette protéine en freinera la production. Les engorgements à répétition sont des exemples de causes pouvant freiner la production de lait.

Ceci explique pourquoi la cause principale de manque de lait est la faible extraction de lait.

Vous comprendrez que malgré l'utilisation d'un galactogogue, s'il n'y a pas d'extraction de lait fréquente et régulière, la production n'augmentera pas et peut continuer son déclin.

Conseils d’une pharmacienne

Je vous propose dans le tableau suivant quelques conseils et rappels pour accompagner le service d'une ordonnance de galactogogue ou lors d'une consultation pour un manque de lait. 

En tant que pharmacienne, je suggère toujours à mes pairs qui œuvrent en milieu communautaire d'avoir sous la main une liste de références de personnes formées en allaitement dans leur région pour les offrir aux parents qui les consultent. C'est un outil qui facilite grandement l'offre de conseils. En voici quelques exemples : IBCLCorganismes communautaires, sages-femmes au Québecsages-femmes au Canada.

Mettre le bébé au sein fréquemment et régulièrement.

En effet, pour maintenir une production de lait optimale, il est important que le sein soit stimulé et que le lait soit extrait fréquemment et efficacement.

En règle générale, on parle d'au moins 8 fois par 24 heures. Les tétées de nuit sont aussi très importantes.

S'assurer que la tétée est efficace.

Cela passe entre autres par une bonne prise du sein et un transfert de lait efficace. Nous pouvons soutenir les parents de plusieurs manières :

Éviter les tétées non nutritives (sucette) et l'usage des biberons.

Ce conseil est fondé sur le fait que le bébé apprend à téter en étant au sein.

Donc, si un complément est nécessaire, vous pouvez d’abord suggérer l’utilisation d'un dispositif d'aide à l'allaitement.

Choisir le lait maternel lorsqu'un complément est nécessaire.

Rappelons-nous que souvent, la production de lait est suffisante, mais que le bébé n'arrive pas à aller le chercher.

Par ailleurs, si un complément était nécessaire, le lait exprimé manuellement ou à l'aide d'un tire-lait devrait être privilégié. Apprenez-en plus ici sur les indications médicales justifiant le remplacement ou la supplémentation du lait maternel.

Utiliser un tire-lait double de grade hospitalier.

Pour maximiser l'extraction de lait et réduire le temps qui y est alloué, la personne qui allaite peut recourir au tire-lait permettant l'extraction des deux seins à la fois.

Des appareils de grade hospitalier peuvent être loués; ils sont généralement plus puissants que les modèles électriques à usage personnel.

Utiliser des manchons (aussi appelés téterelles) de tire-lait de la bonne taille.

Le manchon est la partie du tire-lait en forme d'entonnoir qui est posé sur le sein. Il est donc important qu’il soit de la bonne taille afin que l'expression soit confortable et que l’obtention de lait soit optimale.

Certaines compagnies de tire-lait vendent des manchons de différentes tailles qui peuvent être ajustés sur leurs appareils. Des guides d'ajustement des manchons sont offerts en diverses langues à cet endroit en cliquant sur le lien.

 

Si  vous utilisez RxVigilance, sachez que l'outil propose non seulement des monographies sur les médicaments pour stimuler la production de lait, mais aussi de l'information pour les professionnel·le·s et des feuillets destinés aux personnes qui allaitent, par exemple un feuillet-santé sur l'allaitement et des conseils sur la contraception durant cette période.

En résumé

Lorsque nous conseillons des personnes qui allaitent, nous devons garder deux choses en tête, soit :

  • Nourrir le bébé, et;
  • Maintenir la production de lait.

Ainsi, je souhaite que les recommandations que j’ai offertes dans cet article vous aident à bonifier vos services cliniques, vous donnent des pistes pour offrir des solutions plus complètes, et vous encouragent à passer le flambeau à des ressources externes compétentes.

En établissant un meilleur continuum des services pour la personne qui allaite, tout en adoptant une approche aidante, nous pouvons les soutenir tout au long de leur cheminement

Un grand nombre de bébés repus vous en remercieront!

Annik Beauclair, B.Pharm.

Annik Beauclair, B.Pharm.

Pharmacienne, équipe du contenu

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